Reportaje Le Monde, 07.05.2017 Vanessa Schneider
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La mise en scène du couple Macron confère à l’épouse du nouveau président de la République une notoriété et une popularité importantes
Pas sans elle. Brigitte Macron aura toute sa place à l’Elysée. «Il y a quelque chose dans la fonction présidentielle qui, de toute façon, embarque le couple. Moi je l’assume et je pense qu’elle aussi», expliquait Emmanuel Macron à Paris Match, jeudi 4 mai. Le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, qu’il célébrait au Théâtre Antoine, il avait prévenu : «Si demain je suis élu, (…) elle ne sera pas dissimulée, pas derrière un tweet, une cachette ou autre. Elle sera à mes côtés, parce qu’elle a toujours été à mes côtés.» Une allusion à peine voilée à Valérie Trierweiler, ancienne compagne de François Hollande, et à la vie secrète de ce dernier avec l’actrice Julie Gayet.
Pour la première fois depuis longtemps, c’est un couple soudé qui entrera à l’Elysée. Avant le vaudeville sentimental du président sortant, Nicolas Sarkozy, quelques semaines après avoir été élu, avait été quitté par sa femme d’alors, Cécilia Ciganer. Jacques Chirac et son épouse, Bernadette Chirac, occupaient chacun un appartement distinct au Château, François et Danielle Mitterrand ne partageaient plus de quotidien depuis longtemps déjà.
Brigitte Macron, 64 ans, sera une première dame à part entière. Comme elle a été une femme de candidat totalement impliquée. Car c’est ensemble que ce couple atypique a gravi les marches du pouvoir. Jamais l’épouse d’un postulant n’aura été aussi présente dans une campagne présidentielle. Déplacements de terrain quotidiens, meetings, émissions de télévision, réunions au quartier général d’En marche!… Elle a participé à chaque moment de l’ascension de son mari. Pas en simple accompagnatrice, en faire-valoir ou en compagne pot de fleurs, mais en véritable actrice de cette bataille.
Si elle ne s’est pas mêlée de la stratégie politique de son époux ni de ses engagements programmatiques, elle a été tout à la fois relectrice et répétitrice de ses discours, comme elle le faisait lorsqu’elle était sa professeure de théâtre, maîtresse de l’agenda, conseillère en communication, courroie de transmission entre le candidat et le monde extérieur. Une implication naturelle pour ce couple, que leur ami Jacques Attali décrit comme «fusionnel». «Brigitte, c’est un peu moi et réciproquement, a confié Emmanuel Macron à Paris Match. Elle m’est essentielle.»
«Elle avance à marche forcée»
Rien pourtant ne préparait cette ancienne professeure de français du privé à la vie publique. Il lui a fallu improviser, suivre l’ambition sans limites de son jeune mari : « Il y a encore trois ans, elle ne connaissait rien au monde politique. Elle avance à marche forcée », observe son ami l’écrivain Philippe Besson, qui assure qu’elle continue « à être désorientée » par la violence du milieu dans lequel elle a été plongée.
Lorsque Emmanuel Macron a été nommé ministre de l’économie en remplacement d’Arnaud Montebourg, à la fin de l’été 2014, Brigitte Macron a dû s’adapter. Quelques mois plus tard, elle quittait son poste au très chic lycée Saint-Louis-de-Gonzague, dans le 16e arrondissement de Paris, pour s’installer à ses côtés à Bercy.
Sans rémunération ni fonction officielle, elle s’est rapidement imposée au sein du cabinet, participant aux réunions consacrées à l’agenda du ministre, lui organisant dîners et déjeuners professionnels ou mondains. Une présence que le nouveau président a d’emblée revendiquée haut et fort : « On ne travaille pas bien quand on n’est pas heureux, avait-il confié à la caméra de Canal+. La vie publique dévore la vie privée. Brigitte doit comprendre ce que je fais, elle doit entendre et parfois donner son opinion. »
Lorsqu’il décide de quitter le gouvernement pour se lancer dans son aventure présidentielle, en août 2016, Emmanuel Macron réunit une dernière fois les membres de son équipe de Bercy en présence de son épouse. Devant tous, il prend le temps de la remercier, « car elle a fait partie de ce cabinet », et loue sa « place discrète ». Avant de conclure : « C’était important pour nous. »
Moqueries et commentaires misogynes
La place de Brigitte Macron n’est pourtant pas restée discrète longtemps. Le couple s’est délibérément mis en scène à coups de fausses «paparazzades» dans la presse people et de confidences distillées çà et là, allant même jusqu’à confier le film de leur mariage à Pierre Hurel, le réalisateur du documentaire consacré au fondateur d’En marche! Une exposition qui n’a pas été sans conséquences. L’épouse si présente s’est attiré des moqueries sur son allure et des commentaires misogynes sur sa différence d’âge avec son époux (vingt-quatre ans).
Son immixtion dans la conquête du pouvoir, sa façon sans détour et parfois brutale de s’adresser à lui quand elle estime qu’il n’a pas été «bon» dans une prestation ou un discours ont aussi suscité quelques grincements de dents dans l’entourage politique du candidat. Mais tous ceux qui se sont risqués à émettre une once de critique à ce sujet se sont fait vertement renvoyer dans les cordes par Emmanuel Macron. Et les plus sceptiques ont bien dû se rendre à l’évidence: la présence de «Brigitte», souriante et avenante, prenant le temps de parler aux Français lors des déplacements de son mari, se prêtant aimablement au jeu des selfies et des autographes, a incontestablement amélioré l’image du candidat.
La popularité de son épouse, le récit répété de leur histoire d’amour singulière ont donné une dimension plus humaine à un homme souvent perçu comme trop «techno» et lisse. Rarement un couple en politique aura été autant présent à la « une » de magazines. Les Macron font vendre du papier. Et pas seulement en France. La presse du monde entier se passionne pour Brigitte Macron: son look est analysé par des spécialistes de la mode, son idylle avec le jeune président décortiquée par les amateurs de bluettes.
Une stratégie papier glacé qui ne s’est pas faite sans accroc. En avril 2016, après les commentaires négatifs suscités par un entretien de Brigitte Macron à Paris-Match, Emmanuel Macron se défend maladroitement :
«Mon épouse, elle ne connaît pas le système médiatique. Elle le regrette d’ailleurs profondément. C’est une bêtise, une bêtise qu’on a faite ensemble.»
Le soir du premier tour également, Emmanuel Macron a été vivement critiqué pour avoir fait monter sa femme à ses côtés à la tribune, comme s’il avait déjà été élu. Une sorte de répétition générale. Brigitte Macron a gagné sa place sur la photo. Et les Français ne sont pas près d’arrêter de la voir et d’en entendre parler.