Amnesty International passe au crible le Venezuela

Opinión
Le Monde, 24.03.2015
Paulo A. Paranagua, periodista

Amnesty International consacre au Venezuela, mardi 24 mars, un rapport d’une cinquantaine de pages intitulé « Les visages de l’impunité : un an après les protestations de la rue, les victimes attendent toujours justice ». Quelques chiffres donnent une idée de l’ampleur des affrontements de 2014, qui ont ébranlé le pouvoir et déchiré l’opposition. Les manifestations avaient fait 43morts (dont neuf membres des forces de sécurité) et 878 blessés (dont près de 300 membres des forces de l’ordre). Les autorités ont procédé à 3 351 interpellations et engagé 1 404 poursuites.

Amnesty International rejoint la demande de libération de l’opposant Leopoldo Lopez, émise dès le mois d’août 2014, par le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire. Il est incarcéré dans la prison militaire de Ramo Verde, où se trouvent également des élus de l'opposition. Ni les charges retenues, ni les preuves produites dans un procès à huis clos, sans que les droits de la défense soient respectés, ne sont compatibles avec une justice indépendante et impartiale. La désignation de Leopoldo Lopez à la vindicte publique par le président Nicolas Maduro, qui le qualifie à la télévision de « Monstre de Ramo Verde », ne respecte pas davantage l’Etat de droit.

Cet opposant est emprisonné depuis le 18 février 2014 comme responsable des violences lors des manifestations. Or, il est resté soumis à l’isolement la plupart du temps, tandis que les protestations dégénéraient. Pour Amnesty et pour d’autres défenseurs des droits de l’homme, la responsabilité des violences revient à l’Etat, dont les agents ont eu recours à une « force excessive » pour réprimer le mouvement étudiant et les protestataires. Etude de cas à l’appui, Amnesty considère arbitraires beaucoup d’interpellations et détentions. L’organisation dénonce aussi les agissements de groupes armés progouvernementaux contre des manifestants ou passants, avec la complicité des policiers présents. Des proches et des avocats de victimes mortes à la suite de ces agressions ont reçu à leur tour des menaces lorsqu’ils ont réclamé justice et réparation.

Amnesty International souligne « l’absence de volonté politique de l’Etat vénézuélien pour assurer que ces graves violations ne se répéteront pas ». Au lieu de tenir compte des recommandations des instances de l’ONU, de la Commission inter-américaine des droits de l’homme et des ONG, le pouvoir vénézuélien a contribué à la dégradation de la situation : « La vague de protestations de 2014 démontre que le gouvernement vénézuélien ne tolère ni la dissidence, ni les manifestations critiques à l’égard des politiques gouvernementales. »

L’impunité favorise la poursuite d’exactions similaires, « surtout dans un contexte de mécontentement social croissant ». Amnesty pointe du doigt le décret du 27 janvier, qui autorise les forces armées à utiliser leurs armes à feu pour le maintien de l’ordre public, lors de manifestations de rue. Ainsi, le 24 février, un adolescent de 14 ans a été tué par des policiers à Tachira. Le 13 mars, Rodolfo Gonzalez Martinez, sexagénaire, a été retrouvé mort dans les geôles des services de renseignement (le Sebin), à Caracas, où il était détenu depuis avril 2014, à la suite d’une délation anonyme qui signalait son soutien aux protestataires.

De son côté, Human Rights Watch attire l’attention sur « la campagne de harcèlement et de discrédit contre des défenseurs des droits humains au Venezuela, souvent accusés, sans fondement, de participer à des activités visant à déstabiliser le gouvernement ». HRW cite le cas de responsables de l’Observatoire vénézuélien des conflits sociaux et du Forum pénal vénézuélien.

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